Retour en Birmanie, 20 ans après

La Birmanie (ou Myanmar), ce pays d’Asie du Sud Est est fascinant, il ne ressemble à aucun autre.

Ma première visite remonte à janvier 1999, quand j’effectuais mon périple de plusieurs mois de Bangkok au Caire, de l’Asie du Sud Est au Moyen Orient.

J’ai voulu y retourner en novembre 2018, à la fois pour constater par moi-même de l’ouverture du pays et les changements politiques et touristiques qui en découlent, mais aussi pour montrer à ma femme les merveilles que j’avais en mémoire (Bagan, le Rocher d’Or, Shwedagon,…).

Voici donc mon compte rendu de mes visites en Birmanie, à presque 20 ans d’intervalle.

Petite précision, je ne suis pas un expert en politique birmane, je ne fais que retranscrire mon ressenti de voyageur, pardon à l’avance pour les éventuelles maladresses ou fautes d’interprétation.

Et certaines photos datent de 1999 et sont scannées, d'où la qualité moindre!

 


Il y a 20 ans

Une arrivée qui donne le ton

Je l’avoue, quand je m’y suis rendu, je ne m’étais pas trop renseigné sur le pays, je ne savais pas ce que j’allais découvrir, où je mettais les pieds, je ne savais pas que j’allais dans une dictature militaire de cet acabit.

 

D’abord il faut savoir que le pays n’avait pas de frontières terrestres ouvertes, seule solution, l’avion et là premier choc, l’aéroport de Rangoon (Yangon) est minuscule et assez rustique, la personne avec laquelle je voyage me dit que cet aéroport ressemble à un aéroport d’un petit pays africain (elle avait déjà voyagé en Afrique).

 

Dans l’aéroport nous sommes obligés de changer 300$ (l’€ n’existait pas pour les plus jeunes) en FEC : Foreign Exchange Currency (1$=1FEC), le ton est donné, dans quel pays on débarque ? Ça change de la Thaïlande d’où nous arrivons ! Autre changement par rapport à la Thaïlande, ici, nous sommes pratiquement les seuls touristes, en effet il existe un boycott du pays pour dénoncer la junte militaire (le SLORC) qui dirige d’une main de fer le pays, nous auront de multiples occasions de le voir par nous-même lors de notre séjour.

 

Pour revenir au FEC, il est mis en place pour financer indirectement la junte, nous ferons tout notre possible pour rechanger ces FEC en Kyatts, la monnaie locale, pour en faire profiter les locaux et pas la junte.

Un pays en état de guerre

Le pays est en proie à des conflits internes, pour ne pas dire génocides à certains endroits (avec toutes les atrocités qui vont avec les viols, les tueries et déplacements de civils). L’armée tente d’avoir le contrôle sur des régions qui souhaitent leur indépendance. En effet le pays est une mosaïque d’ethnies (shan, mon, karen, rakhine, kachin, …..) dont certaines se rebellent contre la gente. Pour le touriste de passage que je suis, cela veut dire que seule une petite partie du pays est accessible, il faut donner son itinéraire à l’avance et de multiples checkpoints contrôlent nos passeports.

La propagande partout

Dans les rues, de nombreux et grands panneaux de propagandes « the people’s desire » (« le désir du peuple ») et des tableaux montrant toute les ethnies du pays allant vers un même but : l’unité du pays.

 

Dans les journaux, les photos ne montrent que des militaires et des dessins satiriques fustigeant Aung San Suu Kyi, la principale opposante au régime, prix Nobel de la paix en 1991 et fustigeant aussi son parti: le NLD (National League for Democracy).

 

 Dans un bus de nuit de Rangoon à Mandalay, on a dû supporter un CD de chants patriotiques de propagande, à fond de volume, le même CD en boucle, toute la nuit, je me souviens encore de l’air 20 ans après.


La propagande « people’s desire » sur de grands panneaux dans la rue mais aussi dans les journaux

Une population très accueillante mais brimée et surveillée

Il y a 20 ans, Aung San Suu Kyi est en résidence surveillée, la population birmane est accueillante, autant qu’elle peut l’être, en effet, les birmans sont surveillés, malheur à eux si ils parlent un peu trop longtemps à des étrangers. Alors n’imaginez même pas être hébergés par les birmans, c’est interdit. Les hôtels autorisés à accueillir des étrangers doivent en référer aux autorités tous les jours, chaque soir, ils  appellent les autorités pour leur dire qui loge dans l’hôtel. Nous sommes surveillés, autant que les birmans et comme dans toute dictature, il y a des mouchards, des taupes en civil.

 

Deux petites anecdotes pour illustrer mon propos.

Je suis à Chaungtha, sur la côte, je sympathise avec des jeunes employés du resort où on loge. Chaque matin au petit dej je feuillette le journal par curiosité car je ne comprends rien, je ne lis pas le birman… Par contre les photos de militaires et les dessins satiriques m’interpellent. Un matin j’ose poser une question sur un dessin fustigeant le NLD et Aung San Suu Kyi à un des jeunes, nous sommes seuls, il commence à me parler mais se ferme comme une huitre quand un « ancien » se pointe, discussion close. Quand j’y pense, mes questions auraient pu lui apporter de graves problèmes, en 1999 on allait facilement en prison pour avoir trop parlé.

 

Un autre jour, un moine m’accoste dans une pagode à sagaing (Mandalay), on discute, on est seul, il commence à me parler ouvertement politique et me donne un billet de banque factice à l’effigie d’Aung San, le père d’ Aung San Suu Kyi, c’est un héros national, le héros de l’indépendance, ce moine a risqué gros en me parlant ouvertement et en me faisant ce cadeau.

 

Une question que je me suis posé, ai-je été témoin de travaux forcés ou non ? Que penser de ces petites vieilles que j’ai vues écrasant des cailloux pour réparer une route en pleine chaleur, en plein soleil, dans la poussière.

 

Le travail des enfants est généralisé…

 

Alors boycott ou pas boycott ? Ce séjour m’a permis de voir par moi-même une dictature impitoyable et de pouvoir témoigner, les gens sur place étaient contents de nous voir, ils nous disaient « vous ne nous oubliez pas en venant nous voir », « on se sent moins seul », « témoignez à votre retour », je ne regrette pas d’y être allé, même si je sais qu’une partie de mon argent a malheureusement profité à la junte, difficile de passer outre, ils possédaient tous les hôtels…

 

« La  Birmanie  sera  encore   pendant  de  nombreuses  années,  alors  rendez-nous  visite  plus tard. Nous rendre visite maintenant reviendrait à cautionner le régime actuel». Cette phrase datant de 1999 (après notre visite)  est  une  citation  célèbre  d’Aung  San  Suu  Kyi.

De jolis sourires sur un trishaw à Bago

Au pont U bein

En 2018

Un semblant de démocratie ?

Même si Aung San Suu Kyi est au pouvoir, il ne faut pas se leurrer, les militaires n’ont pas disparus, au contraire, même s’ils ont troqué leur uniforme contre des habits civils, ils sont encore bien présents dans la vie politique du pays, ils détiennent encore des ministères importants.

 

 Ce qui a changé depuis 1999 ?

 

On sent les gens plus « libres », moins fermés moins craintifs et toujours aussi accueillants et souriants.

 

Il y a toujours des poches de tensions et de guerre civile dans le pays (notamment à la frontière avec le Bengladesh où se trouve le génocide contre les Rohingyas), et donc il y a toujours des régions interdites aux touristes. Les militaires sont toujours en train d’essayer de mater les velléités d’indépendance de certaines minorités et de pratiquer des exactions à l’abri des regards.

 

En discutant avec un employé d’hôtel, il nous a dit que la fréquentation touristique était en baisse à cause du problème avec le Bengladesh (il faut comprendre « le problème Rohingya »), il y a un boycott touristique.

Sur place, à part dans les lieux très touristiques comme Mandalay, le Rocher d’Or, la pagode Shwedagon et Bagan, nous étions souvent peu d’étrangers (surtout dans les bus où nous étions souvent les seuls).

 

La situation d’Aung San Suu Kyi a bien sûr grandement évolué, elle est à la tête du pays (avec les militaires), on voit son portrait dans de nombreux endroits, elle est appréciée (on l’a constaté à maintes reprises), des statues de son père (le héros national) sont apparues dans les villes (je n’en avais pas vu en 1999), on a aussi vu de nombreux bureaux du NLD. Mais Aung San Suu Kyi a perdu toute crédibilité à l’international, elle a beaucoup déçu par rapport à ses timides et tardives réactions face au génocide contre les Rohingyas. La prix Nobel de la paix a perdu de son lustre.

 

La propagande sur les grands panneaux dans les rues a laissé place à de grandes publicités. Il n’y a plus de FEC, tout se paie en Kyatts, des frontières terrestres avec la Thaïlande, la Chine et l’Inde sont ouvertes aux étrangers (et peut-être bientôt avec le Laos ?). Et nous sommes encore bien surveillés, les hôtels doivent toujours donner le nom des touristes aux autorités chaque soir.

 

Ce qui est rageant c’est que le pays n’a pas tellement évolué, les champs sont toujours en grande partie travaillés sans tracteurs, avec l’aide des bœufs, l’électricité n’est pas encore partout 24h/24h et pendant ce temps les militaires vivent comme des nababs …


                                        Aung San Suu Kyi                                                                                                      et son père le héros national

Au Rocher d’Or                                      

à Bagan

Le pays en quelques mots

Bétel

Si vous voyez beaucoup de birmans avec des mâchoires pourries, avec des dents manquantes ou noires quand elles sont encore là et un sol jonché de crachats rouges (non ce n’est pas du sang !), le coupable est la feuille de bétel, ils en raffolent (comme le qat au Yémen ou la coca dans les Andes). Autant j’ai essayé le qat et la coca, autant la préparation de la noix de bétel (avec de la chaux !) ne donne pas envie…

 

Moines

Les mentalités changent, la preuve en est avec les moines, on les a vu faire des selfies, fumer, boire, on en a vu des bien tatoués, bref, loin de l’image qu’ils peuvent véhiculer. En tout cas ils jouissent toujours d’un grand respect et d’une grande soumission de la part de la population.

 

Chinlon

C’est le sport traditionnel, un peu le sport national, qui se joue au pied avec une balle de rotin tressé. Il se joue soit en cercle, soit de part et d’autre d’un filet de volley. On a surtout vu des parties le soir « à la fraiche » au coucher du soleil, sur la plage de Chaungtha ou en pleine ville.

 

Pagodes

« Paya » en birman, il y en a partout, c’est sûrement le pays d’Asie du Sud Est où on en a le plus vu ! En bus, où que l’on soit, il y aura pratiquement toujours un stupa doré en vue. On a limite trouvé que la pratique bouddhiste frisait presque le fanatisme en Birmanie.

 

Les Birmans dépensent une somme folle en donations alors qu’ils ont eux-mêmes du mal à s’en sortir. Nous avons été surpris de voir les « donation box » bien remplies de billets, les nombreuses feuilles d’or appliquées sur certains bouddhas  et l’appel à donation constant en bord de route par des femmes secouant leur grand «récipient » avec un caillou à l’intérieur pour faire du bruit.

 

Et que dire de cette course à la construction de pagodes et bouddhas partout, un exemple, cet énorme bouddha couché à Moulmein (il fut un moment le plus grand au monde) qui n’est pas fini de construire qu’ils commencent à en construire un autre plus grand juste en face, du grand n’importe quoi.

 


"Monk power"

La colline aux pagodes à Moulmein

Bouddha « boursouflé» de feuilles d’or à la pagode Mahamuni à Mandalay

Déchets

Dire que le pays a un gros problème avec les déchets serait un euphémisme, le pays croule sous les déchets et les birmans n’ont aucune conscience qu’ils salissent leur beau pays, ils jettent tout n’importe où, à travers la fenêtre des bus ou des voitures, dans les rivières et dans la mer, devant chez eux, … Il y a un gros boulot à faire dans ce domaine.

 

Longyi

C’est une sorte de sarong noué autour de la taille que portent les femmes comme les hommes. C'est vraiment l'habit typique de Birmanie.

 

Bagan

Un lieu magique, et la magie a opéré les deux fois où j’y suis allé, à 20 ans d’intervalle, un endroit à voir au moins une fois dans sa vie, au même titre que les temples d’Angkor ou les pyramides du Caire. C’est le lieu à ne pas zapper lors d’un voyage en Birmanie, il faut y rester au moins 3 jours pour bien profiter du lieu qui est immense, il y a plus de 2000 temples, pagodes et pagodons dans cette belle plaine parsemée de cultures et de palmiers.

 

Cheroot

C’est marrant de voir les femmes, même très vieilles, fumer ce petit cigare !

 

Mingalaba

Qu’est-ce qu’on l’a entendu et dit ce mot ! Mingalaba veut dire « bonjour » en birman, et comme les birmans sont très accueillants, ils nous l’ont dit très souvent. L’accueil et le sourire birman sont un des meilleurs souvenirs  de ce pays ! Avec les philippins, c’est le peuple le plus accueillant que nous avons rencontré au cours de nos voyages en Asie du Sud Est.

 

Thanaka

C’est une poudre tirée d’un arbre qu’on transforme en pâte pour se l’appliquer sur le visage. Le thanaka est à la fois esthétique et protecteur (soleil et insectes), utilisé surtout par les femmes mais parfois aussi par les hommes. Les adolescentes en font un outil de séduction, les motifs dessinés soit parfois très recherchés et esthétiques.

 


« Thanaka power »

Et pour finir, Bagan!

Pour mes bonnes adresses allez voir dans cet article ICI.

 

Je le répète, je ne suis pas un expert en politique birmane, je ne fais que retranscrire mon point de vue, mon ressenti de voyageur, ce que j’ai vu et entendu lors de mes 2 visites en Birmanie.

 

Si vous avez des infos ou précisions à fournir n’hésitez pas !

 

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